Jean-Pierre Blanche. De nuit et de lumière 

La petite rue Adanson qui mène à la place l’Archevêché fut, de 1965 à 1971, le lieu de résidence d’un peintre important mais de notoriété discrète dans la région aixoise. Trois ans après la disparition de Jean-Pierre Blanche, la Galerie Jeanne Bossert  – installée précisément au pied de l’immeuble où vécut l’artiste – offre une belle occasion de découvrir cet artiste né à Paris mais profondément méridional. 

De Montpellier à la bohème parisienne

C’est à l’âge de 13 ans, en 1940, alors que sa famille a quitté la capitale sous l’Occupation allemande pour rejoindre le Midi, que Jean-Pierre Blanche voit son destin basculer. La découverte de la peinture au musée Fabre fait naître chez ce jeune garçon de vives émotions artistiques déterminantes pour la suite. Rapidement, il s’initie à l’histoire de l’art et devient un insatiable visiteur de musées en général et du musée Fabre en particulier — l’institution détenant aujourd’hui une trentaine de ses œuvres. À Montpellier, sa rencontre avec Vincent Bouliès — l’un des membres fondateurs du groupe Supports/Surfaces, aussi enseignant à l’École supérieure d’art d’Aix — qui deviendra son ami et complice artistique durant plus de soixante-dix ans, fut tout aussi déterminante.

Mais la situation de la famille est précaire : Blanche doit concilier son désir de peindre avec des emplois alimentaires et s’improvise tour à tour peintre en bâtiment ou décorateur. Tout juste majeur au lendemain de la guerre, il se fait embaucher aux Halles parisiennes pour charger des camions, ce qui lui permet d’effectuer gratuitement des allers-retours Montpellier/Paris. À partir de 1947, il s’installe à la capitale, dans un grenier transformé en atelier, non loin de Saint-Germain-des-Prés. Il intègre les Beaux-Arts où il a le même professeur que Bernard Buffet et rencontre le conservateur du musée du Louvre, René Huyghe, qui deviendra son « ange gardien » en lui confiant des commandes de portraits. Nourri par l’effervescence de la rive gauche, il y fréquente de nombreux artistes, parmi lesquels Charles Trenet ou encore Boris Vian. 

Des rives méditerranéennes au pays d’Aix

Au milieu des années 1950, après avoir effectué plusieurs voyages en France et en Europe qui nourrirent son œuvre, son talent commence à être reconnu par plusieurs prix importants. C’est alors que l’armée l’appelle en Allemagne. Un destin auquel il échappe grâce à l’entremise d’André Malraux, pas encore premier ministre de la Culture, qui lui obtient une affectation en Algérie. Les quatre années que Blanche y passe marquent durablement sa carrière désormais imprégnée par sa « période algérienne ». Il vit ensuite quelques années au Liban, ce qui alimente également son exploration des paysages méditerranéens. 

Les années passent et il retrouve enfin le Midi : le Languedoc de sa jeunesse d’abord, puis la Provence, où il devient enseignant aux Beaux-Arts de Marseille. Dans un premier temps il habite le centre-ville d’Aix, rue Adanson donc, puis dans la bastide de Pont-Rout, aux alentours de la ville où il installera son atelier. Le grand cèdre tricentenaire qui domine le jardin devient un personnage central de ses œuvres, Blanche se livrant à des jeux d’ombres et de lumières pour saisir sa majesté et les détails de son écorce. 

Arpentant inlassablement son environnement pour le sublimer dans son atelier, l’artiste représente aussi cent-soixante fois des oliviers, illustre la couronne du plateau du Cengle, saisit, sur le versant nord de la Sainte Victoire — grand motif de Cézanne —, le château de Vauvenargues, dernière demeure de Picasso. Le pastel, souvent travaillé au doigt et au chiffon, et qu’il voit comme un « moyen d’unir peindre et dessiner », devient progressivement son principal mode d’expression. Au crépuscule de sa vie, les paysages nocturnes deviendront une grande source d’inspiration pour cet artiste méditerranéen d’une grande pudeur dont l’œuvre mérite encore d’être révélée. 

Exposition Jean-Pierre Blanche : l’Atelier d’Aix à la galerie Jeanne Bossert, Hôtel de Ramatuelle, 3 rue Adanson, Aix-en-Provence. Jusqu’au 20 décembre