Là où l’art brut est normalement montré, lui choisit de l’incarner. Acteur, danseur, metteur en scène, mais aussi commissaire d’exposition, Gustavo Giacosa construit un langage où le corps devient outil de traduction en donnant souffle et présence à des auteurs restés en marge des normes sociales et artistiques. Car «concernant l’art brut, on parle d’auteurs plutôt que d’artistes », précise le performeur.
C’est par le corps, le sien, que l’Argentin Gustavo Giacosa donne à voir l’art brut. Ces œuvres d’artistes autodidactes, souvent en marge de la société, se trouvent ainsi incarnées par le performeur. Une exploration scénique qui se concrétise dans une trilogie, dont les deux derniers volets sont actuellement présentés au théâtre du Bois de l’Aune. L’ensemble de ce projet scénique est fondé sur une collaboration avec le pianiste et compositeur Fausto Ferraiuolo, avec qui Gustavo Giacosa a co-fondé la compagnie multidisciplinaire SIC12 installée à Aix-en-Provence. Le compositeur assure la musique originale interprétée sur scène et accompagne la performance par ses sons de jazz envoûtants.
Cette trilogie est pensée comme trois hommages. Elle est initiée avec le spectacle Nannetti, le colonel astral (présentée au théâtre Antoine Vitez le 4 novembre) qui retranscrit le langage mural d’Oreste Fernando Nannetti. La seconde performance GIOVANNI ! … en attendant la bombe chorégraphie les désirs identitaires tourbillonnants de Giovanni Galli, créateur obsédé par la transformation de son propre genre. Dernière création, M. Un amour suprême est dédié à la plasticienne Melina Riccio. Pour ce spectacle, Gustavo Giacosa et Fausto Ferraiuolo ont mené une véritable enquête de terrain auprès de Melina Riccio, collecté ses œuvres et ses pensées, enregistré des entretiens et tourné des images. Les deux artistes transforment récits, poèmes, broderies et fragments de vie en une expérience sensible qui fait résonner la voix de Melina Riccio sur scène.
Gustavo Giacosa est en quelque sorte un traducteur culturel qui transforme des œuvres créées dans un cadre marginal en une forme d’expression reconnue (expositions, théâtre, danse). Son double rôle d’artiste et d’expert lui confère le pouvoir d’utiliser la puissance émotionnelle de la performance théâtrale pour humaniser et incarner les vies et les obsessions de créateurs mis à l’écart de la société, enfermés, muselés. Ainsi, sa démarche vise continuellement à pratiquer l’ouverture et le décloisonnement, il cherche à rendre l’altérité intelligible, à créer une connexion entre son public et les auteurs dont il s’approprie les œuvres.

GIOVANNI ! … en attendant la bombe, mardi 18 novembre au théâtre du Bois de l’Aune.
M. Un Amour Suprême, jeudi 20 et vendredi 21 novembre au théâtre du Bois de l’Aune.
Paul Oliva