Super Moustache Festival, l’apéro version Deluxe

Plus de quinze ans après leurs premiers concerts sur les trottoirs du cours Mirabeau, le groupe Deluxe — dont la notoriété a depuis largement dépassé le territoire national — déploie la deuxième édition de son Super Moustache Festival, ces 12 et 13 septembre au Val de l’Arc. Un évènement que les Deluxe ont conçu à leur image, résolument festif et généreux. Rencontre sur la terrasse du Forum avec trois moustachus qui s’attachent à faire famille, à la ville comme à la scène : Kaya (basse), Kilo (batterie) et Pépé (saxo). 

Pour vous tout a démarré à Aix-en-Provence, cette ville que vous n’avez jamais quittée, et où vous avez créé votre Super Moustache Festival…

Kilo : On a grandi à Aix, on y vit. On adore cette ville. On a tellement joué ici, dans les rues, sur les places… Et on y a filmé bon nombre de nos clips. On est vraiment heureux d’être restés chez nous. Le fait de ne pas monter sur Paris pour se produire était assez rare quand on a démarré. Avec Chinese Man, nous étions des cas isolés. Et puis il faut dire qu’on est des enfants d’Internet, on a pu bénéficier de l’arrivée des plateformes, MySpace puis les autres. Maintenant il est beaucoup plus facile de se faire connaître et de se produire où que l’on soit. 

Pépé : Oui le modèle des artistes qui doivent « monter sur Paris » pour réussir est assez dépassé. Tout comme, d’ailleurs, celui des grosses majors qui sont des machines à fric. 

Aujourd’hui les choses évoluent plutôt positivement. Et d’ailleurs la région voit naître beaucoup d’artistes de talent.

Kilo : Cette ville nous a tellement portés et continue à nous porter pour le festival. Déjà très jeunes on avait cette envie un peu entrepreneuriale d’avoir un label, une association, de créer des évènements. On a toujours organisé nos concerts, d’abord dans les rues d’Aix quand nous étions jeunes, avec déjà à l’époque cette envie d’être indépendants. Puis on a appris progressivement le métier, on a signé chez des labels… 

Pépé : Puis il y a dix ans maintenant, nous avons créé notre label Nanana productions qui nous a permis de devenir totalement indépendants.  Nous avions créé dans la foulée l’association en se disant que ça pourrait servir un jour, et c’est cette structure qui porte maintenant le festival.

Justement, comment est née dans le groupe cette idée de créer un festival ? 

Kaya : Le fait d’avoir joué dans beaucoup de festivals différents, en France et à travers le monde, nous a donné envie de créer notre propre festival. 

Kilo : Il est arrivé un moment où nous avions produit des dates à Paris, dans des zéniths, puis à l’Arena d’Aix où nous avons fêté nos dix ans. C’est cet évènement qui nous a donné le goût de produire : le risque avait été payant, la salle était pleine. Et quant à ce festival, il a pris beaucoup de temps à se faire, ça a été trois ans de préparation. 

Kaya : La première édition aurait dû avoir lieu en 2023, mais on a fait le choix de la repousser pour être totalement prêts, ce qui n’était pas tout à fait le cas.

Kilo : Et donc la première édition a eu lieu l’an dernier, mais ce qu’il faut savoir c’est que jusqu’au jour J tout était dans nos têtes… c’était une grosse prise de risques.

Pépé : On l’avait fantasmé sans savoir ce qui allait réellement se passer. Et ça a été une réussite. Mais nous n’aurions jamais pu le faire seulement tous les six. Il y a une trentaine de personnes qui bossent dessus pour que tout ça soit possible. Ce sont des gens qui sont hyper motivés, qui croient en le projet, qui croient en nous aussi. Et puis nous on croit en eux aussi, c’est réciproque. 

Kaya : Les trois quarts de cette équipe sont aussi ceux qui nous accompagnent en tournée plusieurs mois de l’année. C’est la famille.

Cette première édition avait donc répondu à vos attentes ?

Kaya : Au-delà ! C’était très fort en émotions, on a réalisé un rêve. 

Kilo : C’est juste génial de voir que tout est possible si on se donne les moyens. C’était deux jours incroyables. Donc on a eu envie de remettre le couvert !

Le festival est donc amené à devenir un rendez-vous annuel ? 

Pépé : On se pose la question, ça pourrait évoluer. 

Kilo : On se laisse le choix. Car en effet on a envie d’ancrer le festival dans le temps mais il ne faudrait pas que cela devienne un rendez-vous contraint pour nous, notre carrière est déjà très prenante.

Pépé : En fait le plus important pour nous est avant tout de faire de bons albums, de belles tournées avec de beaux concerts. 

Kaya : Ça nous plaît énormément de fédérer autour d’un évènement festif dans la région. C’était important pour nous de le faire. Malheureusement on se prend aussi dans la tête des réalités économiques. Malgré le soutien de la ville, cela n’est pas facile financièrement. 

Pépé : Actuellement les baisses de subventions à la culture sont vraiment très importantes, et ces aides — même si nous n’avions pas encore vraiment pu en bénéficier — permettent à 60 % des festivals français d’exister. On assiste actuellement à l’annulation d’un certain nombre de gros évènements. 

Kilo : En tout cas, une chose est certaine : on ne fait pas un festival pour faire de l’argent. 

Il y a finalement une forme d’engagement pour le territoire et pour votre public à créer cet évènement ? 

Kilo : Oui ! Déjà il y a un rêve de gosse. Et puis surtout il y a l’envie de réunir tous les Aixois, les gens de la région et de fédérer. De passer un moment en détente, en sécurité, dans un endroit chouette, en famille, pour écouter de la bonne musique.

C’est un peu comme si on faisait un apéro chez nous, dans notre jardin, mais géant !

Pépé : On a voulu amener notre concept ici, en s’inspirant de tout ce qu’on a aimé des festivals qu’on a pu faire tout autour du monde.

Que pouvez-vous nous dire de l’orientation artistique de cette seconde édition ? 

Kaya : On a fait le choix d’artistes de live qui sont essentiellement des groupes et qui envoient sur scène…

Kilo : Et nous avions ce souhait d’une programmation plus féminine. Et de fait avec Santa, Solann et Yoa nous avons en plus trois victoires de la musique dans notre programmation. 

On a eu beaucoup de chance d’avoir pu faire venir ces super artistes.

Kaya : On est très contents aussi de continuer dans cette ambiance familiale. Il y a plein de gens qui viennent avec leurs enfants. La moitié d’entre nous sommes de jeunes parents et, au-delà de ça, pour nous les meilleurs festivals sont ceux qui sont ouverts aux familles. 

On trouve dans votre album Ça fait plaisir des thématiques qui reviennent de manière assez prégnante, telles que le rapport au temps qui passe, le besoin de relations authentiques…

Pépé : Et la parentalité !

Comment cet album s’est-il construit ?

Kaya : On démarre souvent de manière assez collégiale. Comme nous composons tous, on se retrouve pour écouter les compos des uns, des autres. On les joue ensemble, puis on garde ce qui inspire, qui nous donne envie. On y va ensuite assez naturellement : tout le monde participe un peu puis Lili écrit sur les mélodies, la plupart du temps. 

Kilo : On aime à dire que nos albums sont une photographie de ce qu’on est à ce moment-là. L’instant T de Deluxe ? C’est des jeunes parents, des personnes qui se posent des questions sur la parentalité et toujours cette quête de l’amour entre nous…

Pépé : Malgré toutes les tempêtes qu’on peut traverser ! 

Kilo : Chacun de nos albums est le reflet de périodes précises de nos vies. En fait pour faire un bel album il faut beaucoup vivre.

Pépé : Et je pense qu’il faut vraiment être sincère sur ce que l’on fait. Faire de la musique pour faire la musique, ça n’a pas vraiment de sens.

On sublime nos propres vies.
C’est un peu une thérapie de groupe ! 

Comment justement préserver votre longévité et votre cohésion à l’épreuve du temps ? 

Pépé : Et oui quelle longévité, certains membres du groupe se connaissent depuis trente ans !

En fait on est comme un vieux couple. Parfois on s’adore, parfois on se déteste. On peut se lancer des trucs à la gueule, puis s’aimer à nouveau à très fort !

Kilo : À la nuance que dans un couple on est deux et, qu’à priori, on voit relativement vite quand l’autre ne va pas bien. Ici la complexité est liée au fait d’être six. 

Pépé : Oui c’est vrai qu’il n’est pas toujours évident de capter la météo de tout le monde !

Chacun a ses petits soucis, qu’il n’a pas envie forcément de partager aux autres. Il y en a qui sont plus angoissés, puis il y a les jeunes parents qui dorment moins que les autres. Mais notre force c’est que l’on arrive quand même — pas toujours, mais la plupart du temps —à se parler. Mais c’est un chemin de tous les jours.

Kaya : Le centre des problèmes et des solutions, c’est la communication. Et puis on essaye de se faire confiance. Sur certaines décisions comme le choix d’une musique où on ne sera pas forcément unanime, on peut finalement s’en remettre à la décision d’une seule personne si on sent qu’elle y croit vraiment.

Kilo : La difficulté tient aussi au fait qu’on évolue et donc parfois simplement nos envies changent. Je pense qu’il y a beaucoup de groupes qui se séparent simplement pour cette raison. Les envies ne sont juste plus les mêmes… comme dans un couple !

Pépé : Ces sentiments sont légitimes, il faut les accepter. Le mieux sera toujours que chacun soit épanoui. Peu importe ce qu’il se passe.

C’est l’humain avant la musique.  

Et au-delà de vous six, il y a également la vingtaine de personnes qui vous accompagnent en tournée. Vous êtes devenus une petite entreprise ? 

Pépé : Oui et là aussi la communication est la clef.

Kaya : On n’a pas été formés à faire ça nous, à la base. Donc on tricote et on apprend aussi en faisant, pour le management, les RH…

Pépé : Certains de nos techniciens sont avec nous depuis quinze ans. On leur laisse le champ libre, pour qu’ils créent avec nous. On évolue ensemble et on les intègre. Ils font partie de la famille !